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GÉOGRAPHIE.

À la marche de la Normandie et de la Bretagne, la Sée, la Sélune et le Couesnon filtrent dans les sables mobiles de la baie du mont Saint-Michel. La Sée (60 kilomètres) coule au pied d’Avranches ; sa portée moyenne est de 5 à 10 mètres cubes, ainsi que celle de la Sélune ou Céiunce (70 kilomètres) : celle-ci reçoit la Cance, qui bondit de roc en roc, à Mortain, ville pittoresque ; une de ses cascades a 20 mètres ; le Couesnon (85 kilomètres) finit par une vallée marécageuse.

La baie du mont Saint-Michel termine le littoral de la Normandie, qui n’est plus avec la Saintonge et la rive des Basques la patrie de nos meilleurs marins : à la Bretagne, à la Provence revient aujourd’hui cet honneur. Elle se nomme ainsi d’un bloc granitique de 60 à 710 mètres de haut, de 900 mètres d’enceinte, escaladé par des tours, des remparts, des maisons, avec une église et une superbe abbaye au sommet. Roche sombre et murs austères, ces remparts, ces tours, ces précipices, ces clochers, ce couvent, cette église, ce granit percé de cryptes autant que couronné de monuments, tout ce prodigieux amphithéâtre qui fut citadelle, monastère, pèlerinage et prison, qui brava les Anglais et les Calvinistes, ce moutier de Bénédictins, thébaïde entre le ciel et l’eau fondée au huitième siècle, refaite au treizième, agrandie, reprise, restaurée depuis, cet auguste musée mérite cent lois le nom de la merveille donné aux plus belles salles de son immense architecture. C’est une gloire de la France, un triomphe de l’art, une apparition sublime. De toutes les îles françaises la plus petite et la plus belle, cette roche est à la veille de perdre ses grèves, ses vagues, ses festons d’écume, ces beautés de la nature autour des miracles de l’art ; le continent va reprendre dans la baie 25 000 à 30 000 hectares qui lui appartenaient jadis et qui furent des prés, des champs, une grande forêt et des bourgs ou villages dont tout n’a pas disparu : il en reste le souvenir, les noms, des débris cachés sous l’onde, et quelquefois mais très-rarement