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GÉOGRAPHIE.

Même il n’est plus besoin de bateau pour aller de la terre ferme à la terre entourée de vagues : deux fois par jour, au flot bas, on va de la côte à l’île et de l’île à la côte par le passage du Gouas ou du Gué, route empierrée de 4 kilomètres qu’on fait à cheval ou en voiture et qu’on peut faire à pied, quitte à se mouiller dans certains ruisseaux d’eau marine dont le reflux ne débarrasse pas la chaussée ; des balises, des poteaux supérieurs aux plus grandes hauteurs de la mer indiquent le chemin qu’aux heures de nuit, aux jours de brume, on pourrait perdre de vue ; et de mille en mille mètres des pieux élevés portent une espèce de refuge où l’on monte par une échelle quand on s’est laissé surprendre par le rapide retour de l’Océan. Noirmoutier, granitique au nord, calcaire au sud, est pour les deux tiers au-dessous du niveau des grandes marées et sa cime suprême n’atteint que 21 mètres : on l’appela cependant l’Île-la-Montagne, en 1795, lorsqu’on débaptisa puérilement les lieux par milliers sans se douter qu’on n’arrache pas un nom du sol comme on en tire une pierre ou comme on déracine un chardon. C’est alors qu’on prétendit changer Compiègne en Marat-sur-Oise, Grenoble en Grelibre, Saint-Lô en Rocher de la Liberté, Saint-Jean-de-Bournay en Toile-à-Voile et Saint-Pierre-le-Moutier en Brutus-le-Magnanime. Noirmoutier n’a pas une seule fontaine, pas un ruisseau pour faire tourner une roue d’usine, mais sur sa dune, au souffle des brises du large, s’agitent les grands bras des moulins à vent. Sauf de beaux figuiers dans ses jardins, elle n’a point d’arbres, et sa seule forêt est un bouquet de sapins de 17 hectares ; mais un doux climat la baigne et son sol est fécond ; puis la mer donne à ses 8 000 habitants autant de poissons qu’ils en veulent pêcher ; elle leur procure aussi le sel qu’ils retirent, moins qu’autrefois, de leurs marais salants. Longue de 18 kilomètres, sur une largeur trois à neuf fois moindre, elle augmente la terre française de 4 442 hectares dont 900 pris par les sables.