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GÉOGRAPHIE.

Commençant à 1 550 mètres d’altitude, à trente et quelques kilomètres en ligne droite au sud-est de Mende, sur le penchant méridional de la Lozère, le Tarn passe près de Florac, puis s’engage dans des gorges extraordinaires. À quatre, à cinq, à six cents mètres de profondeur, dans un étroit désert où l’on n’entend que sa voix, la froide rivière coule au pied de calcaires immenses, droits et percés de cavernes. Plus bas et très en aval, dans la plaine opulente, le Tarn, ayant quitté le roc pour la terre et le gravier, sera trouble, épais, opaque et rouge, mais ici, dans ce fond de gouffre, il est encore une onde pure, de temps en temps accrue par des torrents clairs jaillissant de la paroi du Causse de Sauveterre à droite, de celle du Causse Méjean à gauche. Il n’y a point de villes dans ce cagnon, qui serait la caverne la plus terrible du monde si quelque voûte, franchissant la fêlure, unissait l’un à l’autre les deux escarpements du défilé, dressés à la même hauteur au-dessus du torrent, et faisait des deux Causses un seul et même abominable plateau où la neige tombe, où le vent grince, où nulle saison n’apporte l’abondance aux champs et la gaîté dans les villages. On n’y voit guère que des hameaux : Molines, où tombe la limpide rivière de Vigos, née près de là d’une fontaine superbe au pied du causse de Sauveterre ; Castelbouc, où jaillit une belle source ; Sainte-Énimie, avec sa grande font de Burle ; Saint-Préjet, où la rivière gronde au fond du Pas du Souci, au pied de la Roche Sourde et de la Roche d’Aiguille.

Le Tarn sort de ce long étranglement au confluent de la Jonte. Il arrose ensuite le ravissant bassin de Millau, puis il voyage dans des gorges bornées de roches dures, qui finissent au saut de Sabo. Entre ces gneiss, ces schistes, ces micaschistes vêtus d’herbes courtes, de bruyères, de fougères, le Tarn se tord comme un serpent. De ses replis, le plus beau c’est la boucle d’Ambialet, contour de plus de 3 kilomètres, l’isthme ayant 12 mètres seulement. Tout le long de ce méandre embrassant un haut