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FRANCE.

nôtre ; nous, dans notre petit coin, nous ne lisons que nos livres et ce qu’on veut bien nous traduire. C’est pourquoi nous sommes en dehors du monde et de plus en plus dédaignés par lui.

Quand le français aura cessé d’être le lien social, la langue politique, la voix générale, nous apprendrons les idiomes devenus à leur tour « universels », car sans doute il y en aura plusieurs, et nous y gagnerons de la science, de l’étendue d’esprit et plus d’amour pour notre français.

Comme nous espérons que l’idiome élégant dont nous avons hérité vivra longtemps un peu grâce à nous, beaucoup grâce à l’Afrique et grâce au Canada, devant les grandes langues qui se partageront le monde, nos arrière-petits-fils auront pour devise : « Aimer les autres, adorer la sienne ! »


4o Français dont le français n’est pas encore la langue. — En France même, si la langue nationale se comprend partout, il y a des contrées où elle n’est point encore l’idiome usuel.

Flamands. — Dans le département du Nord, au sud de Dunkerque et autour d’Hazebrouck, 165 000 hommes environ se servent encore du flamand, tout en usant aussi presque tous du français.

En 1858, sur les 112 communes des deux arrondissements d’Hazebrouck et de Dunkerque, 71 parlaient encore exclusivement le flamand, 10 exclusivement le français, 15 les deux langues avec prédominance du français, 16 avec domination du flamand.

De ce dialecte allemand, qui, chez nous du moins, devient de plus en plus un patois, on pourrait presque dire qu’il ne recule plus, mais qu’il fuit devant notre langue ; et il disparaîtrait encore plus vite si les leçons de catéchisme ne se faisaient en flamand dans presque toutes les églises du pays flamingant français. Au moyen âge on le parla jusque vers Abbeville, et il y a deux siècles il régnait jusqu’à Boulogne, ville voisine de bourgs aux noms essen-