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GÉOGRAPHIE.

aucun ruisseau ; une rivière, le Dourdou du Nord, le traverse avant d’entrer dans la gorge rougeâtre de Villecomtal, puis dans le défilé schisteux et noir de Conques. Et comme toujours on trouve dans les vallées ce qui manque tant au causse et au ségalas : les claires vaucluses, les eaux sinueuses, les cascades, les prés, les bocages. Un des plus merveilleux cirques de la France est comme englouti dans le causse de Rodez ; c’est le vallon de Salles-la-Source, où bondit le Craynaux, qui serait un ruisseau transparent si l’homme le laissait à ses libres allures ; mais dès sa source le manufacturier l’usurpe : à peine a-t-il jailli, bouillonnant et clair, de la fente d’un rocher, qu’on l’enlève à son destin naturel de ruisseler dans les prairies et de plonger dans de petits abîmes. On le mène à des usines accrochées au versant du mont, du premier ressaut dont il aimerait à diaprer les gazons jusqu’au fond de la vallée, dans l’espèce de gouffre d’où Ton voit comme dans le ciel les poteaux du chemin de fer de Capdenac à Rodez plantés sur l’extrême rebord du causse.

Et de ces poteaux que la locomotive partie des bords du Lot n’atteint qu’en s’époumonant, à force de courbes et de montées, on admire l’immense entonnoir du Craynaux, Salles, ses trois villages, la raideur de ses roches et les cascades que l’industriel n’a pas encore enfouies dans l’obscurité des usines. Au bas de cet échafaudage de moulins et de manufactures, le Craynaux a perdu sa transparence, mais du moins n’est-il pas fétide, noir, marbré d’ordures, comme tant de ruisseaux lucidissimes dont l’homme a fait les convoyeurs de ses immondices. Et parmi les cataractes qui lui restent il en est de charmantes, une surtout qui saute du fronton d’une caverne tandis que des perles brillantes filtrent dans un tissu de mousse et tombent goutte à goutte à l’entrée de la grotte.

Au sud le causse de Rodez se continue par les plateaux de roches compactes où le Viaur a creusé ses tortueux précipices. Ces plateaux s’appuient au Lévezou, stérile