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GÉOGRAPHIE.

chaumière et son rocher ; il s’est battu contre l’Ibère, le Ligure, l’Etrusque, le Carthaginoïs, le Romain, le Vandale, le Goth, l’Italien, l’Aragonais, l’Arabe et le Berbère, les routiers cosmopolites du moyen âge et le Gênois, Ligure moderne. Il n’a compté sur le lendemain qu’au temps des Césars ; puis sous les Pisans, maîtres débonnaires ; enfin sous les Français. Épier l’ennemi, tirer juste, ce fut sa vie pendant plusieurs semaines de siècles. De tout temps les Corses ont été fameux par leur caractère sombre, altier, méfiant, vindicatif.

Que sont les Corses ? Après tant de chocs de peuples, d’unions franches ou forcées, de mélanges de races, quel sang prédomine chez eux ? Nul ne sait. Le temps a tout émoussé ; le même esprit, la même âme, les mêmes usages, le même dialecte italien, sont le patrimoine de cette nation, faite cependant de tant de pères ennemis, que si les morts couchés dans l’île reprenaient tout à coup le souffle et la mémoire, une furieuse bataille éclaterait aussitôt d’Ajaccio à la tour de la Solenzara et du cap Corse à l’azur marin des grottes de Bonifacio.

Les seuls hommes qui se distinguent franchement du reste des insulaires, ce sont les mille Grecs de Carghèse, au nord d’Ajaccio, sur le golfe de Sagone. Ces Grecs qui n’ont pas tous abandonné leur dialecte péloponésien, et qui ont gardé leur religion, arrivèrent, à la fin du dix-septième siècle, des monts du Magne, au nombre de 700, sous la conduite d’un descendant des Comnène. Ils viennent d’essaimer vers la France d’au delà des flots et de fonder une Carghèse nouvelle, à Sidi-Mérouan, dans une belle vallée des montagnes, près du Roumel, rivière de Constantine.