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GÉOGRAPHIE.

trois sortes de pays, dans la Montagne, dans le Désert, au bord d’une Mer sans excès de vapeurs tépides. Or l’Algérie a ces trois sauvegardes : la Méditerranée dont la brise est fraîche et rassemble peu de nuages, le Désert le plus sec du monde, et le Tell, escalier de plateaux. À deux pas d’un rivage où le dattier grandit, près des villes qu’embaume l’oranger, des prairies montent jusqu’à la lisière des chênes, des pins et des cèdres hantés par de blancs hivers. L’Afrique du Nord a tous les climats, moins l’intertropical, seul funeste aux enfants de l’Europe tempérée.

Cette terre salubre a pourtant le renom d’insalubrité, les premières colonies ayant longtemps langui dans le pays bas, à l’orée des marais ou dans les marais mêmes. Jusqu’en 1856 on pouvait dire de l’Algérie qu’elle ne donnait à la France que des dattes et des malades.

La nostalgie, les nuits sous la tente, la neige des plateaux, l’incandescence des gorges, des bas-fonds et du Désert, le fusil du Kabyle, le yatagan de l’Arabe tuèrent moins de soldats que les plaines palustres ne dévorèrent de colons. Quand l’ennemi n’attaquait déjà plus les camps et les cités, l’hyène assiégeait encore les cimetières peuplés avant les villes, car telle colonie perdait vingt à trente hommes sur cent par année. Aujourd’hui, les colons sont acclimatés dans les vallées et sur les plateaux d’où les marais s’effacent, et dans les montagnes où l’eau est claire et brillante et sonnante et salubre.