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GÉOGRAPHIE.

New-York son port. Alger n’a rien, si ce n’est le terreau de la Métidja.

Même dans le Tell elle est inférieure : elle n’a pas une baie comme Tunis, un lac comme Bizerte, un fleuve comme Bône, un port comme Bougie, Arzeu et Mers-el-Kébir ; elle ne veille pas comme Tanger à l’entrée d’une Méditerranée dans un Océan ; il lui manque les monts semi-polaires qui pourvoient Maroc d’eaux irrigantes, elle n’a pas l’oued intarissable de Fez : moins heureuse que Blida, Miliana, Mostaganem, Tlemcen, elle soupire après un peu d’onde vive.

On pouvait lui prédire des villas sans nombre dans de charmants ravins et sur ces coteaux bouzaréens d’où l’on voit la mer, le fahs ou banlieue, l’Atlas de Blida, le Bou-Zegza, les neiges kabyles ; mais la nature n’y avait pas écrit à grands traits sur le sol : « Là sera la capitale d’un empire. »

C’est le destin plus que la nature qui lui a mis le diadième au front.

Sur cette anse du rivage une modeste bourgade romaine, Icosium, avait duré quelques siècles, en face, à travers baie, d’une autre colonie du Peuple-Roi, Rusgunia, près du cap Matifou ; puis Béni-Mezrenna, petit port berbère, avait pris la place d’Icosium.

Le hasard amena des hommes de proie aux îlots des Béni-Mezrenna : Musulmans de vieille roche ou rénégats, les uns routiers, les autres corsaires, tous hommes du sabre, ils conquirent à l’orient, à l’occident, au midi ; leur ville grandit avec leur royaume, tandis qu’eux-mêmes, s’entretuant pour le pouvoir, rougissaient de sang turc leurs bras fumants de sang chrétien, de sang berbère et de sang arabe.

Le port que les Français ont fait devant Alger n’est pas sans reproche : grand de 90 hectares, il reçoit et renvoie de nombreux navires, d’abord parce qu’Alger est la métropole de l’Algérie, puis parce que cette cité, la plus peuplée de notre Afrique, a la Métidja derrière elle.