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GÉOGRAPHIE.

Plaine d’alluvions de 211 000 hectares, la Métidja mourrait sur la plage de la mer si le Sahel ne l’en séparait ; elle va du Sahel à l’Atlas, haut ici de 1 000 à 1 629 mètres, et blanc de neige en la saison. La montagne lui distribue des torrents qui la pourront irriguer tout entière quand on les aura régularisés en réservoirs au sortir de leurs gorges profondes. Quand nous commençâmes d’y planter des colonies, c’était un lieu d’exhalaisons funestes. Pendant vingt ans la mort sortit de ses marais, de ses ruisseaux bordés de lauriers-roses, de ses champs sournois qui promettaient la fortune. Elle mérita le nom de cimetière des Européens avant de prendre celui de Jardin d’Alger. Boufarik, sa ville centrale, fut longtemps pleine de moribonds ; il y eut des années où le cinquième de ses pionniers quitta l’hôpital pour le champ du dernier repos. Aujourd’hui la plaine sinistre est salubre comme une vallée française ; Boufarik, où, dit le proverbe arabe, la corneille elle-même ne pouvait durer, est une cité coquette, une oasis d’ombre, un opulent verger. Ainsi dans une campagne enflammée, dans un air gorgé de miasmes, sur un sol de pourriture et d’eau stagnante, trente ou quarante années ont mis Île verger d’abondance à la place du campement des fiévreux et de la baraque des agonisants. Ce serait la reine de la Métidja sans Blida la Voluptueuse, la mère des oranges, assise au pied de l’Atlas, sur l’Oued-el-Kébir, clair torrent descendu des halliers du Béni-Salah.

La baie d’Alger baigne de ses flots céruléens la plage de Mustapha, grand faubourg d’Alger, les dunes d’Hussein-Dey, celles de l’Harrach et de l’Hamise. L’Harrach (70 kilomètres), rivière de quelque abondance, passe aux bains d’Hammam-Melouan : Alger va détourner une de ses sources, Aïn-Mocta (500 litres par seconde) ; cette grande ville a soif en été ; les fontaines du Sahel ne lui donnent même pas de quoi boire, elle ne peut donc ni laver ses rues, ni rafraîchir ses arbres, ni mouiller sa poussière, ni baigner ses jardins. Sur l’Hamise