Tell et citadelle du Grand Désert dont il occupe exactement le centre. Là, nous dit-on, chez les Touaregs, hommes berbères indépendants, la neige reste pendant quatre mois de l’année sur les cimes, les ruisseaux courent, l’air est salubre et propice aux Blancs. On ne doit point nommer le Hoggar une Suisse saharienne, puisqu’on ne peut imaginer une Helvétie sans glaciers, sans prairies, sans sapins, sans lacs d’émeraude ; mais il semble qu’il y aurait là de très chaudes Cévennes. Que l’Algérie devienne ou non l’Afrique du Nord, ce bastion central du Désert sera tôt ou tard entraîné dans son orbite. N’est-ce pas dans le bas de son Igharghar que nous avons déjà tiré des profondeurs du sol, comme par la baguette de l’enchanteur, plus de 2 400 litres par seconde, assez pour la croissance et la prospérité de 450 000 palmiers : car on sait d’expérience que trois dattiers se contentent fort bien d’un litre d’eau par minute. Et notre œuvre commence à peine.
À près de 150 kilomètres en droite ligne au sud-sud-ouest de Touggourt, à 700 kilomètres au sud-est d’Alger, par 128 mètres, Ouargla, grandeur déchue, a 220 000 palmiers, 350 000 avec les oasis de son ressort. Ses habitants, Nègres laborieux autrefois pressurés par le Nomade arabe ou berbère, sont maintenant saignés par la sangsue du Désert, le Béni-Mzab, pire que le Juif. Ouargla fut une « reine du Sahara ». On vendait alors sur son marché des Noirs amenés, à chaudes journées, du lointain Soudan, et des oueds vifs coulaient dans son bas-fond. Cet éclat n’est plus : les caravanes d’esclaves ont abandonné le chemin d’Ouargla, et l’oasis a vu ses ruisseaux tarir sur le sol. Non que les monts aient perdu leur chair : il y a des siècles qu’ils n’ont ni terre, ni forêts, ni gazons diaprés d’eau stillante ; si les fontaines ont cessé d’arroser les dattiers d’Ouargla, si dans tant de vallées du Sahara peuplées jadis il n’y a qu’un sol d’airain sous un ciel de plomb, entre des rocs réverbérants, c’est que, dans la folie furieuse de leurs guerres,