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GÉOGRAPHIE.

du Tell bien avant les compatriotes de Mahomet, et que depuis Sidi-Okba-ben-Nafé, et surtout depuis l’invasion hilalienne, l’histoire de ces deux peuples se mêle sans se confondre ; enfin leurs langues diffèrent singulièrement, encore que l’une et l’autre aient des traits de ressemblance, avant tout une sorte de passion pour les gutturales terribles qui sont comme des vomissements.

Mais Arabes et Berbères ont certainement beaucoup d’ancêtres communs. Si les Berbères ne sont pas venus de la petite Afrique aujourd’hui nommée l’Espagne, ils sont arrivés d’Orient comme les Arabes, dont peut-être ils étaient cousins. À défaut de parenté directe, il y a lieu de croire que les deux peuples durent plus ou moins se mêler dans les parages de la Syrie, près de cet isthme de Suez qui fut, de l’est à l’ouest, et par terre, un grand chemin des peuples, comme il l’est maintenant du nord au sud, et par eau.

Qu’ils vinssent d’Ibérie ou d’Asie, les Berbères eurent longtemps pour seigneurs en Atlantide un peuple phénicien, et par cela même proche parent des Arabes : de là des mélanges avec un élément « sémite ». Il est donc probable que lorsque les guerriers d’Okba, et plus tard les Hilaliens, se jetèrent sur l’Atlas, la nation qu’ils y disloquèrent leur était quelque peu consanguine.

Dès lors, ballottés pendant plus de mille ans avec les Arabes, les Berbères conquirent avec eux l’Ibérie, les Baléares, Malte, la Sicile, et menacèrent du Croissant la Croix des églises où prêcha Saint-Martin. Pendant la splendeur des Maures andalous le Tell déborda sur l’Espagne ; pendant leur décadence et après leur ruine l’Espagne regorgea sur le Tell, et ce flux comme ce reflux pénétra le Berbère d’Arabe et l’Arabe de Berbère. Enfin, vivant sur le même sol en grandes masses depuis l’arrivée des Hilaliens, c’est-à-dire depuis plus de huit cents années, ayant le même Dieu, le même Prophète, incessamment en contact, l’un avec l’autre contre les chrétiens, l’un contre l’autre dans la guerre civile, l’un près de l’autre dans les