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GÉOGRAPHIE.

cités, toujours prêts à rire aux éclats, turbulents, gesticulateurs, passionnés pour la gambade, au demeurant bons et utiles. À l’intérieur, ils forment quelques petites tribus nommées Abid.


3o Les colons. — Avant 1830 il n’y avait en Algérie que quelques Européens, des marchands, Italiens, Malfais, Espagnols, Marseillais.

Après la prise d’Alger, derrière l’armée qui, d’abord avec hésitation, puis résolument, s’avançait vers l’intérieur, s’abattit sur le pays de la nouvelle conquête la troupe de ceux qu’on nomma longtemps, qu’on nomme encore les mercanti[1] par opposition aux militaires : filles de joie, débitants, cantiniers, gargotiers, rouliers et charretiers, fournisseurs, usuriers, aventuriers, chevaliers d’industrie divisés par l’ironie populaire en deux honorables corporations, les banqueroutiers et les vandales, foule bigarrée qui fit dire pendant trente ans : « les honnêtes gens sont venus en Afrique à pied. » Ce proverbe exagérait, car parmi ces pionniers de la France en Atlas il y avait des artistes, des savants, des patriotes, des enthousiastes, toute une ardente jeunesse qui mérita bien de la patrie. L’Algérie doit beaucoup à ces « colons » de la première heure, aujourd’hui presque tous glacés par la mort.

Vers 1835-1840 commencèrent d’arriver les vrais paysans : Mahonais, Espagnols, Italiens, Provençaux, Languedociens, Gascons, Français du Nord, Alsaciens, Lorrains ; et déjà, renfort précieux, beaucoup de soldats, leur temps expiré, restaient en Afrique au lieu de rentrer en Europe.

Mais tout ce monde-là souffrait : les Français du Nord d’un climat contraire ; les Français du Sud et les étrangers méditerranéens, de l’effluve miasmatique et du poison des défrichements. Jusqu’en 1856 les morts l’em-

  1. Mot italien, devenu sabir, et signifiant marchand.