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GÉOGRAPHIE.

l’Afrique du Nord, et 5 500 en 1836. En 1841 leur nombre était de près de 17 000 ; en 1845 de plus de 46 000 ; de 66 000 en 1851 ; de 93 000 en 1856 ; de 112 900 en 1864 ; de 122 000 en 1866 : de 130 000 en 1872 ; de 156 000 en 1876. Et certes ces milliers font plus pour l’avenir de notre langue et le salut de nos chefs-d’œuvre que les millions qui savent le français en Russie, en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Espagne, en Amérique et dans tout le monde civilisé : multipliés dans leurs descendants, ils deviendront des millions, tandis que les millions d’étrangers francophones se réduiront à des milliers dès qu’un autre idiome héritera du rang de « langue universelle ».

Comparés aux étrangers, les Français ont la grande majorité dans les provinces d’Alger et de Constantine, excepté à la Calle, à Bône, à Philippeville. En Oranie ils sont inférieurs en nombre à l’ensemble des autres colons, et même aux seuls Espagnols : toutefois ils n’y sont en minorité qu’à Oran, dans la plaine de Saint-Denis-du-Sig, dans le val de Sidi-bel-Abbès, dans les mines et sur les chantiers d’alfa.

Les Juifs algériens ont été naturalisés en bloc, par décret, pendant que nous luttions contre les hordes disciplinées du peuple évangélique. Ils ne l’avaient certes pas mérité, occupés qu’ils étaient uniquement de banque, de commerce, de courtage, de colportage et d’usure ; nul d’entre eux ne tient la charrue, n’arrose les jardins ou ne taille les vignes, et il y a très peu d’hommes de métier parmi ces arrière-neveux du supplanteur d’Esaü. Aucun n’avait péri dans nos rangs sous les boulets du Nord comme ces Berbères, ces Arabes, ces Nègres qui furent parmi les héros de Reichshoffen ; et s’ils n’ont point défendu l’Algérie contre nous de 1830 à 1871, ils ne la défendraient pas non plus contre nos ennemis. N’importe ! Ils sont maintenant Français, et même encadrés dans notre armée, qui peut-être éveillera leur vaillance.