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COLONIES FRANÇAISES.

née ; elle est fortement penchée, tant vers l’est que vers l’ouest, tant au nord qu’au sud, et l’inclinaison des terrains ordonne aux eaux de se hâter dans leur course vers la mer ; enfin beaucoup de ses roches de craie lâche boivent aussitôt les gouttes ou gouttelettes de pluie. Mais tout cela ne suffit pas.

Il y a dans ce pays des vallées fermées aux brises de l’Océan, des marais d’où devrait monter la mort ; et pourtant là-même Indigènes et Européens se portent à merveille. Le niaouli, qui est un myrte aromatique, croît précisément en forêts dans ces vallées et sur le tour de ces marécages. Serait-ce le bienfaiteur de la Calédonie, comme l’eucalyptus est celui de l’Algérie ?

Devant les témoignages éclatants de cette salubrité, la France n’envoie plus ses forçats en Guyane, sauf les Arabes et les Nègres, et nos assassins, nos empoisonneuses, nos escrocs, nos faussaires, nos pâles scélérats, nos mégères partent maintenant pour la Calédonie. Ainsi se peuple cette longue île : de bien tristes familles, s’il est vrai que l’instinct du crime se transmet de père en fils comme la phtisie, l’épilepsie, la folie et le cancer. En fait de colons libres, elle reçoit des Français de France, des Français et des Anglais d’Australie, des créoles des Mascareignes : ceux-ci trouvent bon de venir vivre sous un climat meilleur que celui de leurs deux îles sœurs, bien loin des épidémies apportées chez eux par les convois d’Indiens.

Les Calédoniens-Français ne sont encore qu’une quinzaine de mille, dont moitié de forçats et quelques centaines de déportés politiques. On regrette que, sous un pareil climat, dans une belle nature, cette île riche en or, prodigue en nickel, chaude et saine à la fois, et très bien arrosée, offre si peu de place à l’émigration française.

Car, de ses 1 830 000 hectares, ce qui fait un bien petit pays, des centaines de milliers sont montagne abrupte, roche, ou mauvaise herbe : surtout dans le Sud, région de volcans éteints.