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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

agite la forêt cachée et le toit brillant qui la recouvre ; parfois, une rupture se produit, une avalanche s’écroule à l’intérieur, un gouffre reste béant, jusqu’à ce qu’une nouvelle tourmente l’ait masqué par un pont de neige. Quel serait le sort d’un voyageur s’égarant pendant l’hiver dans une pareille forêt, là où il chemine à l’aise pendant l’été, sur le court gazon, à l’ombre des arbres puissants ? À chaque pas, il serait exposé à tomber dans un abîme, étouffé sous la neige écroulée !

En bas, dans la vallée, les maisons du village paraissent plus difficiles à discerner que les forêts et les bouquets d’arbres. Les toits, entièrement recouverts d’une couche de neige sous laquelle fléchissent les charpentes, se confondent avec les champs de neige environnants ; seulement, une légère fumée bleuâtre rappelle que, sous ce linceul blanc, des hommes vivent et travaillent. Quelques murailles, un clocher, tranchent sur la monotonie du fond ; d’ailleurs, en cet endroit, la neige est plus tourmentée que loin des habitations humaines ; le vent, tournoyant autour des demeures, a dressé d’un côté les neiges en monceaux et en