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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

prit. Tantôt on contourne la courbe d’un ravin, tantôt la saillie d’un promontoire ; on passe du fond des gouffres à l’arête des précipices, et, dans toutes ces formes si variées qui se succèdent à la vue, la montagne garde sa blancheur unie. Le soleil éclaire-t-il la surface des neiges, on y voit briller d’innombrables diamants ; le ciel est-il gris et bas, les éléments semblent se confondre. Lambeaux de nuages, monticules neigeux, ne se distinguent plus les uns des autres ; on croirait flotter dans l’espace infini ; on n’appartient plus à la terre.

Et combien plus encore entre-t-on dans la région du rêve, lorsque, après avoir franchi le point culminant du passage, on redescend sur la pente opposée, emporté de tournants en tournants avec une effrayante rapidité ! Au départ de la caravane, lorsque le dernier traîneau s’ébranle, le premier a déjà disparu derrière une saillie du gouffre. On le voit, puis il disparaît de nouveau ; on le revoit, puis il se perd encore. On plonge dans un abîme vertigineux où s’écroulent des amas de neige gros comme des collines. Avalanche soi-même,