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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

pourtant, à côté de ce monde joyeux, voici le morne glacier, avec ses crevasses béantes, ses amas de pierres, son terrible silence, son apparente immobilité. C’est la mort à côté de la vie.

Néanmoins, la grande masse glacée a aussi son mouvement ; avec lenteur, mais avec une force invincible, elle travaille, comme le vent, les neiges, les pluies, les eaux courantes, à renouveler la surface de la planète ; partout où les glaciers ont passé pendant un des âges de la terre, l’aspect du pays est transformé par leur action. Comme les avalanches, ils emportent dans les plaines les déblais des montagnes croulantes, sans violence, par un patient effort de tous les instants.

L’œuvre du glacier, si difficile à saisir dans sa marche secrète, quoique si vaste dans ses résultats, commence dès le sommet de la montagne, à la surface des couches neigeuses. Là-haut, dans les cirques où se sont amassés en tourbillons les nuages d’aiguilles blanches fouettées de la tempête, l’uniforme étendue des névés ne change point d’aspect. D’année