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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

des pentes basses, et, déchaussant les prairies elles-mêmes, comme le ferait un immense soc de charrue, les roule devant elle et les mêle au chaos de son déluge. Pour les vallées que parcourt l’inondation, le désastre est immense, et le récit s’en transmet de génération en génération.

Mais ce sont là des événements bien rares et qui deviennent même impossibles pour l’avenir dans les pays civilisés, parce que les populations menacées ont soin de prévenir le danger en creusant des souterrains de dégagement aux réservoirs lacustres qui se forment derrière une digue mouvante de glaces ou de pierres. Ainsi réprimé dans ses écarts, le glacier reste le bienfaiteur des régions situées sur le cours de ses eaux. C’est lui qui les arrose dans la saison où elles auraient le plus à craindre les effets de la sécheresse, lui qui les renouvelle par des apports de terre végétale toute fraîche encore et avec tous ses éléments de nutrition chimique. Le glacier est en réalité un lac, une mer d’eau douce d’une contenance de milliards de mètres cubes ; mais ce lac, suspendu aux flancs des monts, s’épan-