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LES FORÊTS ET LES PÂTURAGES.

des feuilles, emplit les avenues et se mêle à leur ombre pour former un vague jour cendré, sans coups de lumière, mais aussi sans ténèbres. À cette lueur, on distingue nettement tout ce qui vit au pied des grands arbres : les insectes rampants, les fleurettes qui se balancent, les champignons et les mousses qui tapissent le sol et les racines ; mais, sur les arbres eux-mêmes, les lichens blancs ou jaunes d’or et les rayons s’entremêlent et se confondent. Suivant les saisons, la forêt de hêtres change incessamment d’aspect. Lorsque vient l’automne, son feuillage se colore de teintes diverses où dominent les nuances brunes et rougeâtres ; puis il se flétrit et tombe sur le sol, qu’il recouvre de ses lits épais de feuilles sèches, frissonnant au moindre souffle d’air. La lumière du soleil pénètre librement dans la forêt entre les rameaux nus, mais aussi les neiges et les brumes ; le bois reste morne et triste jusqu’au jour de printemps, où les premières fleurs s’épanouissent à côté des flaques de neige fondante, où les bourgeons rougissants répandent sur tout le branchage comme une vague lueur d’aurore.