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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

livre d’histoire naturelle, on leur donne vraiment ce nom.

Voici d’abord l’aigle et autres rapaces, oiseaux de carnage que tous les maîtres de la terre ont choisis pour emblèmes, leur donnant quelquefois deux têtes, comme s’ils voulaient eux-mêmes avoir deux becs pour dévorer. Certes, l’aigle est beau lorsqu’il est fièrement campé sur un roc inaccessible aux hommes, et bien plus magnifique encore lorsqu’il plane tranquillement dans les airs, souverain de l’espace : mais qu’importe sa beauté ? Si le roi l’admire, le berger le hait. Il est l’ennemi du troupeau, et le pâtre lui a voué guerre à mort. Bientôt aigles, vautours et gypaètes, n’existeront plus que dans nos musées ; déjà, sur nombre de montagnes, on n’en voit plus un seul nid, ou bien celui qui reste ne renferme plus qu’un oiseau solitaire et méfiant, vieillard à demi perclus, dévoré de parasites.

L’ours est aussi un dévoreur de moutons, et, tôt ou tard, le berger l’exterminera de nos montagnes. En dépit de sa vigueur prodigieuse, de l’art avec lequel il sait broyer les os, il n’est pas le favori des rois, qui sans