Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

vallée et se frapper le front sur le pavé des églises.

De nos jours, le descendant de ces anciens chevaliers n’a plus à se faire le geôlier d’un village, ni à surveiller les habitants d’un regard jaloux, à moins pourtant qu’il soit devenu propriétaire d’usine et que les villageois peuplent sa fabrique. La villa qu’il s’est fait bâtir sur le penchant d’un coteau se cache pour ainsi dire. Le groupe de maisons le plus voisin est masqué par un rideau de grands arbres, et si des villages lointains se montrent çà et là, ils ne sont que de simples motifs dans le paysage, des traits dans le grand tableau. Le châtelain n’est plus le maître : que lui servirait donc de donner à sa demeure une position dominatrice ? Il lui vaut mieux une solitude où il puisse jouir de la nature en paix.

C’est que, depuis le moyen âge, village et château ne constituent plus un petit monde à part ; de gré ou de force, ils sont entrés dans un monde plus grand, dans une société où les luttes ont plus d’ampleur, où les progrès ont une portée bien autrement grande. Le petit royaume dont le seigneur était le maître ab-