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LE LIBRE MONTAGNARD.

mel ; mais le petit filet d’eau sourdant de la fente du rocher leur sembla plus agréable à boire que toutes ces liqueurs versées dans les aiguières d’argent. L’un après l’autre, ils se penchèrent sur le petit bassin de la source, écartèrent de la main les herbes flottant à la surface de l’eau et burent à même comme de simples pâtres ou comme des faons de la montagne. Puis ils se regardèrent, se tendirent la main d’amitié et, se couchant sur le gazon, se mirent à deviser joyeusement. Le temps était beau, le soleil était déjà penché vers l’horizon, quelques nuages épars jetaient de grandes ombres sur les moissons jaunissantes des plaines ; de légères fumées s’élevaient çà et là des villages. Les trois compères se sentaient en belle humeur. Jusque-là, leurs vastes domaines n’avaient pas eu de limites précises dans la montagne ; ils décidèrent que, désormais, la source qui les avait désaltérés de son filet d’eau glacée serait le point de séparation des comtés. L’un devait suivre la rive droite, l’autre la rive gauche du ruisselet ; le troisième devait occuper toute la croupe qui s’étend de la source au sommet voisin, et de là sur le