Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/191

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pourrait au besoin y ramper en s’aidant de ses mains ; mais on préfère passer d’une rive à l’autre en se tenant debout et en se servant de ses bras comme balancier. C’est une joie de changer ainsi de rivage à son gré, de s’asseoir tantôt à l’ombre des vergnes, tantôt au pied des saules, d’aller de la prairie déjà fauchée et pleine de la senteur des foins à la pelouse encore toute diaprée de ses fleurs. Et puis on se revoit par l’imagination aux premiers siècles de l’humanité naissante, alors que le sauvage, trop inhabile pour construire lui-même des ponts sur les ruisseaux, se servait comme nous de ceux que lui fournissait la bonne nature.

Le voyage aérien au-dessus de l’eau que l’on voit s’enfuir rapidement sous ses pieds n’est pas moins agréable lorsque l’arbre renversé rejoint l’une des rives à un îlot du ruisseau. Les conventions de la vie ont réussi à faire de la plupart d’entre nous des êtres guindés et bizarres, humiliés de se sentir heureux d’un rien ; aussi faut-il nous reporter