Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/233

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de la Seine, entre les deux rangées de pêcheurs, immobiles comme des statues le long des berges. Aucun ne bougea. Tandis que les bateliers détachaient à la hâte leurs canots pour opérer le sauvetage du naufragé, les pêcheurs persévérants restaient le bras en arrêt au-dessus des flots, espérant toujours la bienheureuse secousse qui devait les avertir de la capture désirée.

Du reste, nul homme n’a plus de fortitude que le pêcheur contre le mauvais destin. Les poissons ont beau refuser malicieusement de se laisser prendre, ils ont beau raser le hameçon sans le happer, l’homme à la ligne, silencieux et prudent comme un héron sur patte, n’en tient pas moins son bras tendu et son regard fixé ; il ne se lasse point ; en s’asseyant au bord de l’eau, il a laissé derrière lui les passions humaines de l’impatience et de la colère. Dévoué à son œuvre, il attend, même sans espoir. J’ai connu un pêcheur que la male chance avait toujours poursuivi. Il ne prenait ni truite, ni tanche, ni