Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/296

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chent un à un tous les troncs supérieurs et les font rouler par-dessus la digue dans la partie libre du courant, mais qu’un arbre à demi dégagé se redresse à l’improviste, que leur pied glisse sur le bois lisse et mouillé, qu’un jet d’eau vienne inopinément les heurter, qu’une perche tombée dans le courant rebondisse vers eux, pointue comme une lance, ils risquent toujours d’être renversés, livides et sanglants, à côté des sapins morts et de flotter en leur compagnie sur l’eau du ruisseau. Ceux qui à force de courage, d’adresse et de bonne chance échappent à tous ces périls, ceux qui, de la plus haute écluse à la scierie, savent conduire leur flottille de sapins sans qu’il leur arrive malheur, ont certes raison de se féliciter ; mais qu’ils attendent des semaines et des mois avant d’être rassurés entièrement, car le cortège des maladies les suit de son pas boiteux.

D’ailleurs, il arrive parfois que leurs efforts sont vains pour amener les sapins sous