Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/302

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les ouvriers y vont puiser l’eau nauséabonde. Les berges ont perdu toute forme naturelle ; ce sont maintenant des murailles perpendiculaires où sont ménagées çà et là quelques marches d’escaliers ; les rivages sont pavés de dalles glissantes ; les méandres sont remplacés par de brusque tournants ; au lieu de branches et de feuillages, des vêtements sordides suspendus à des perches se balancent au-dessus de la fosse, et des barrières en planches, jetées d’un quai à l’autre quai, marquent les limites des propriétés au-dessus du flot noirâtre. Enfin, la masse boueuse pénètre sous une sinistre arcade. Le ruisseau que j’ai vu jaillir à la lumière, si limpide et joyeux, hors de la source natale, n’est plus désormais qu’un égout dans lequel toute une ville déverse ses ordures.

À quelques kilomètres d’intervalle, le contraste est absolu. Là-haut, dans la libre campagne, l’eau scintille au soleil, et transparente, malgré sa profondeur, laisse voir