Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/331

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des molécules sans nombre, provenant de toutes les régions de la terre et de l’espace, et recommençant leur voyage infini, après un court passage dans notre organisme. Semblables au ruisseau qui s’enfuit, nous changeons à chaque instant ; notre vie se renouvelle de minute en minute, et si nous croyons rester les mêmes, ce n’est que pure illusion de notre esprit.

Aussi bien que l’homme considéré isolément, la société prise dans son ensemble peut être comparée à l’eau qui s’écoule. À toute heure, à tout instant, un corps humain, simple mille millionième de l’humanité, s’affaisse et se dissout, tandis que sur un autre point du globe un enfant sort de l’immensité des choses, ouvre son regard à la lumière et devient un être pensant. De même que dans une plaine, tous les grains de sable et tous les globules d’argile ont été roulés par le fleuve et déposés sur ses rives, de même toute la poussière qui recouvre le globe a coulé avec le sang du cœur dans les artères