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Page:Reclus - John Brown, 1867.djvu/6

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servile, définitivement limitée du côté de l'Ouest, allait subir sa première grande défaite aux États-Unis.

John Brown, déjà près d'atteindre la soixantaine, aurait pu jouir en paix de son triomphe, il aurait pu cultiver ces champs, arrosés du sang de ses fils et songer, enfin, à s'amasser une petite fortune pour ses vieux jours ; mais il avait le cœur trop haut, il aimait trop les opprimés du Sud pour ne pas leur dévouer ce qui lui restait de vie. Il résolut d'exécuter un projet qu'il nourrissait depuis plus de vingt ans, celui de se transporter en plein pays ennemi pour émanciper en grand. Accompagné de trois de ses fils, de deux gendres et de quelques hommes de cœur comme lui, il alla s'établir dans une ferme abandonnée, située en pays d'esclavage, près de la ville virginienne de Harper's Ferry et pendant plusieurs mois, il y fit secrètement ses préparatifs militaires pour sa grande œuvre de libération. Le plan de John Brown était de s'emparer de l'arsenal de Harper's Ferry, très-riche en armes de toute espèce, de couper les lignes importantes de chemins de fer qui convergent vers ce point, puis de se jeter dans les gorges des montagnes pour harceler sans cesse les bandes organisées par les planteurs et se montrer à l'improviste tantôt sur un point, tantôt sur un autre, comme libérateur des nègres. Il comptait pouvoir tenir, au besoin, pendant des années, dans cette contrée sauvage des Alleghanys, jusqu'à ce qu'enfin les esclaves, soulevés par milliers, eussent pu conquérir leur liberté à main armée.