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l’homme et la terre. — inde

c’est l’île de Java qui servait d’étape à mi-chemin entre Ceylan et l’Indo-Chine orientale.

Au delà du pays khmer, le littoral de la mer chinoise qui se développe suivant une double courbe, d’abord convexe, puis concave, du cap Saint-Jacques aux bouches du fleuve Rouge, fut également un pays indianisé : il portait autrefois le nom de Tchampa, qui est certainement d’origine hindoue ; c’est aujourd’hui l’Annam, le « Sud pacifique ». Il y a deux mille ans, à l’époque où les grandes propagandes bouddhiques avaient déjà commencé, le Tchampa (Tsiampa) était depuis longtemps pénétré par le brahmanisme, ainsi qu’en témoignent des inscriptions nombreuses. Tous les noms géographiques de ce littoral, cités par Ptolémée, sont d’origine sanscrite[1]. Les rois avaient également des appellations hindoues. Siva était le dieu le plus fréquemment invoqué ; la déesse Bhagavasi avait aussi beaucoup de fidèles, et même de nos jours, il lui en reste encore, quoique son origine hindoue soit complètement oubliée. Certaines campagnes sont encore parsemées de stèles et de pierres portant des inscriptions ; les prières sanscrites n’ont cessé d’être ciselées qu’à la fin du XIIe siècle, il y a sept cents ans. Entre autres coutumes, le sacrifice des reines sur le bûcher des souverains s’était répandu dans le pays des Tchampa.

Quant à la partie du littoral située sur le pourtour du golfe tonkinois, comme un vaste demi-cercle tracé autour de l’île de Hai-nan, elle est trop sous la dépendance de la Chine pour que son histoire ne se rattache pas à celle de la grande nation limitrophe. D’ailleurs, elle avait été déjà conquise, il y a vingt et un siècles, par Chi-hoang-ti, et pendant une longue série de siècles elle appartint à l’empire chinois, quoiqu’avec diverses intermittences de séparation, provenant de la présence dans le sud d’un autre foyer d’attraction. Mince, allongé entre la montagne et la mer, ce territoire devait se briser sur quelque point faible suivant la force plus ou moins grande de l’appel exercé au sud et au nord. Mais la double influence fut toujours visible.

D’après la légende, les Annamites auraient eu parmi leurs ancêtres un génie du ciel et un dragon de la mer : issus à la fois des trois éléments, air, terre et eau, ils étaient oiseaux, hommes et poissons, c’est à dire qu’ils possédaient toutes les qualités physiques et morales appar-

  1. Barth ; Bergaigne ; Et. Aymonier, The History of Tchampa, pp. 5, 6.