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précoce importance de londres

Au nord de la Tamise, la contrée parcourue aujourd’hui de tant de routes était complètement inaccessible dans une grande partie de son étendue. L’estuaire du Wash se prolongeait au loin vers le sud par les espaces marécageux reconquis de nos jours, que l’on connaît sous le nom de fens, et se ramifiait dans toutes les vallées latérales en roselières fangeuses où nul n’osait s’aventurer. Toute la partie de l’Angleterre orientale qui comprend aujourd’hui les comtés de Norfolk et de Suffolk et que limitaient au sud d’autres estuaires, d’autres marécages se digitant à l’infini était en réalité une grande île dans laquelle les envahisseurs se trouvèrent longtemps comme enfermés avant de pouvoir pénétrer dans le reste de la contrée. Londres, avant de naître, offrait à ses fondateurs l’avantage de se trouver sur un pédoncule de terres doucement ondulées rattachant à la Tamise les régions facilement accessibles de l’intérieur. Les voies naturelles venaient rejoindre à cet endroit la ligne de navigation du fleuve[1].

Les autres estuaires du littoral anglais qui sont tournés en entonnoir vers les côtes de l’Allemagne et de la Scandinavie, notamment le Wash et le Humber, furent également des lieux d’accès naturels pour les émigrants germaniques du littoral opposé. La marée favorable portait les embarcations vers l’intérieur, et les nouveaux venus finissaient par découvrir sur le pourtour de la baie vaseuse la grève dure ou le roc près duquel ils pouvaient établir l’aire du mouillage : c’est là que devait naître le port auquel se rattachait la voie d’immigration dans l’intérieur des terres. Les indentations du rivage méridional, ouvertes en face des Gaules, avaient servi aussi, antérieurement à cette époque des migrations germaniques, au va-et-vient entre les deux côtes, contribuant ainsi au peuplement de l’île, de même qu’à l’établissement des voies fréquentées. Enfin, sur la rive occidentale de l’Angleterre, les golfes profondément découpés dans les terres, celui de la Severn, puis le détroit d’Anglesey, les estuaires de la Dee, de la Merse, de la Ribble, la baie de Morecambe et la nappe triangulaire des eaux qu’on appelle Solway firth étaient les lieux indiqués d’avance pour les bateaux de pêche et pour les navires qui trafiquaient avec l’Irlande en plein Océan.

Naturellement les voies historiques les plus importantes de l’île

  1. John Richard Green, The Making of England.