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l’homme et la terre. — les monarchies

subi de violences. C’est en 1428 seulement que, par ordre du concile de Constance, ses ossements furent déterrés et détruits par le feu.

Quand même, l’esprit de révolte continua de brûler sous la cendre en mainte communauté religieuse d’Angleterre, attendant l’époque où le grand incendie devait éclater de nouveau. Mais c’est ailleurs, en Bohême, au centre du continent européen, que l’œuvre de Wiclef fut reprise directement, grâce aux conditions politiques spéciales dans lesquelles se trouvait ce pays. Slaves et Germains y étaient alors en conflit, comme ils le sont encore de nos jours, et l’inimitié naturelle provenant de la différence des langues, des mœurs, des inégalités sociales qui en étaient la conséquence, exalta suffisamment les esprits pour donner la plus grande âpreté aux dissensions religieuses. Cette contrée, qui se présente superbement en affrontant les plaines germaniques, semble constituer un corps distinct et comme un monde à part. Mais en considérant les Slaves comme la garnison de la puissante citadelle, on constate que, sur la plus grande partie de leur pourtour, les murailles d’enceinte sont précisément occupées par l’ennemi, c’est-à-dire par les Germains. Les Tchèques, venus de l’est, avaient pu facilement pénétrer en Bohême dont ils avaient occupé toute la partie centrale, surtout les anciennes terres lacustres, transformées en fécondes campagnes, qui rayonnent autour du confluent de la Vltava et de la Labe — de la Moldau et de l’Elbe —, et que gardait la ville de Praha ou Prague, puissamment fortifiée par eux. Mais ils avaient été arrêtés par les monts couverts de forêts, et ne les avaient franchis qu’en de rares passages, dont le principal était celui de Domazlice ou Taus, qui pointe vers le coude du Danube. Les Allemands, plus nombreux, et, d’ailleurs, appelés par les rois de Bohême qui voulaient peupler leurs domaines, avaient escaladé les monts, s’étaient installés dans les clairières, puis avaient colonisé çà et là les vallées de l’intérieur : toute une ceinture ethnologique s’était déployée en demi-cercle autour des populations slaves de la Bohême centrale.

Ainsi le contraste des races, opposées par la force des choses et indépendamment des volontés, devait compliquer la situation religieuse, qui seule intéressait alors l’Eglise souveraine. À cette époque, Jean Huss était, de tous les novateurs nourris de la doctrine de Wiclef, celui qui avait gardé de cet enseignement l’impression la plus vive