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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

hautes montagnes. Un manuscrit, découvert par Dutreuil de Rhins en 1892, dans les ruines d’un temple bouddhique, près de la rivière Kara-kach, au sud de Khotan, et qui est le plus ancien document de la littérature hindoue que l’on connaisse jusqu’à ce jour, fournit la preuve de l’extension du « grand véhicule » dans la Kachgarie dès le commencement de l’ère chrétienne. En effet, il est écrit en caractères karochthi, alphabet de l’Inde nord-occidentale qui servait à reproduire le sanscrit et qui disparut il y a plus de dix-sept cents ans. Nous savons d’ailleurs que des missionnaires isolés avaient visité la Chine à des dates plus reculées : l’itinéraire que suivaient ces pèlerins passait par la Bactriane et contournait au nord les immenses plissements de l’Asie centrale, c’est la route connue sous le nom de Tian-chan-pe-lu ; beaucoup plus tard seulement, elle évita ce grand détour et traversa les chaînes maîtresses, utilisant le Tian-chan-nan-lu, la route de la Soie, celle du Jade et, même, passant directement du Kachmir au Tibet par le col de Karakorum[1].

La grande ère du bouddhisme triomphant commence en Chine avec le sixième siècle : c’est alors que les pratiques nouvelles s’introduisent au nord du Yangtse. À cette époque, l’antique ferveur de la morale de dévouement et de tendresse ne s’était pas encore dissipée, et les apôtres de la foi passaient leur existence à parcourir le monde pour annoncer la bonne nouvelle à tous les hommes. L’amour des voyages avait sa part dans les grandes pérégrinations à travers l’Asie, et l’histoire mentionne notamment, parmi ces bouddhistes zélés et non moins enthousiastes voyageurs, les missionnaires chinois Fa-hian et Hiuen-thsang[2], qui s’absentèrent chacun pendant de longues années de leur pays natal (399−414 et 629−645) et y rapportèrent, outre le récit circonstancié de leurs voyages vers la patrie de Çâkya-Muni, nombre de manuscrits originaux contenant le texte et les commentaires de sa doctrine. Leurs itinéraires, reconstitués par les savants d’Europe avec une grande incertitude dans les détails, témoignent d’une religieuse persévérance.

Les relations de commerce et de culture s’accroissaient entre peuples limitrophes, par l’effet de cette active propagande bouddhiste, qui se

  1. Drouin, Annales de l’Alliance Scientifique, janvier 1898. — Voir description de ces routes, t. III, p. 14 à 22.
  2. Stanislas Julien, Histoire de la Vie de Hiouen-thsang et de ses Voyages.