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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/215

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méthodes guerrières des mongols

trop solidement retranchée, immédiatement ils fuyaient, du moins en apparence, mais en se retournant face à l’ennemi et dardant leurs flèches contre lui. Que celui-ci se hasardât à la poursuite, et soudain ils reprenaient l’offensive, dirigeant toute la masse de leurs chevaux sur un point faible de la foule des poursuivants et massacrant ceux qui s’étaient aventurés au dehors du gros de l’armée. Puis, tournoyant sans cesse auprès de l’ennemi, ils finissaient par lasser sa constance et son attention au moyen de feintes attaques jusqu’au moment où ils découvraient un point favorable pour forcer une entrée dans le camp, et l’extermination continuait tant qu’il restait homme debout. Dans leurs campagnes ils immolaient aussi tous les habitants qu’ils trouvaient sur leur passage. De cette manière ils n’avaient pas à craindre qu’on les inquiétât sur leur ligne de retraite ; d’ailleurs, quand ils voulaient rentrer dans la steppe natale, ils cherchaient à traverser d’autres contrées ayant encore des villes à piller, des troupeaux à saisir ; grâce à leur cohésion, les Mongols pouvaient se présenter dans tous les pays à conquérir avec le grand avantage que donne la force du nombre. Sans doute leur race était numériquement très inférieure aux peuples dont ils traversaient les territoires, mais les résidants, impuissants à se réunir en forces aussi considérables, ne résistaient guère que sous la protection de fortes murailles. Longtemps même il sembla que le destin conduisît les Mongols : ils fascinaient leurs adversaires qui se laissaient massacrer.

Une autre cause des victoires mongoles provenait de la réelle supériorité d’initiative que la pratique constante de la liberté avait donnée à ces nomades : ce n’étaient point des soldats mercenaires ou des recrues assemblées en troupeaux, comme les serfs de l’Europe retirés à la charrue ou à leurs industries ; ils partaient librement pour la guerre et n’obéissaient qu’aux chefs choisis par eux dans les grandes assemblées de la steppe. C’est par élection que se constituait l’armée : les combattants élisaient leurs dizeniers, qui, à leur tour, nommaient leurs centeniers, et ainsi, par élections successives, on désignait les chefs de mille, de myriades ; enfin de choix en choix on remontait jusqu’au Grand khan, au Seigneur des seigneurs dont le pouvoir devait être confirmé en de vastes assemblées, dans le kouroultaï, où toute la nation, siégeant à cheval et en armes, possédait voix délibérative et décisive. Evidemment l’exercice du pouvoir absolu modifia bientôt cet état de choses, mais en principe, le grand khan restait l’élu, ainsi qu’en témoigne le yassak ou