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l’homme et la terre. — découverte de la terre

promontoire au delà duquel il semblait impossible de passer. Puis, près de vingt années d’efforts inutiles s’écoulèrent sans qu’on ait pu doubler le cap Bojador, le « mugissant) », qui se prolonge au loin par de longs récifs forçant les marins a cingler vers la haute mer, jusqu’à ce que Gil Eannes, pour se faire pardonner un tort par l’infant Henri, jurât de pousser plus avant que le Bojador. Il tint parole en 1434, et c’est alors que commença la série rapide des découvertes accomplies méthodiquement le long du littoral, chaque navigateur mettant sa réputation à dépasser le point extrême atteint par son prédécesseur. Gonçalez Baldaya découvre la baie dite maintenant le rio de Oro, ainsi nommée de la poudre d’or qu’il en rapporte : cette découverte rallia au prince l’opinion publique qui le tournait en ridicule et, avec les prêtres, lui opposait l’écriture Sainte prouvant que ses explorations ne pouvaient aboutir ; on comprit que désormais on tenait la route de l’Inde, « pays natal de tout or »[1]. Nuno Tristâo double bientôt le cap Blanc ; il dépasse ensuite la baie d’Arguin et ses riches bancs de poissons. Les plages désertes du Sahara sont laissées au nord, et les navigateurs atteignent déjà des rivages peuplés d’où l’on rapporte des gommes et d’autres objets précieux, malheureusement aussi des esclaves.

En 1445, Diniz Diaz fait la grande découverte du cap Vert, auquel il donna précisément ce nom pour montrer combien ses prédécesseurs s’étaient trompés en attribuant aux contrées tropicales une éternelle aridité. Désormais, les voyageuses risquaient avec d’autant plus d’audace que d’autres Européens s’étaient également aventurés dans l’intérieur et que la connaissance de la terre complétait ainsi celle de la mer en un même ensemble géographique. Les désastres servaient aussi à l’expérience des marins, Ainsi Nuno Tristâo et plusieurs de ses compagnons ayant été tués par des flèches empoisonnées, le reste de l’équipage s’enfuit directement par mer, sans voir le littoral sur un seul point jusqu’à l’arrivée sur les côtes du Portugal. La mort du prince Henri, en 1460, n’arrêta pas l’élan des découvertes : les navigateurs avaient atteint la côte dite aujourd’hui de Sierra Leone et en rapportaient des trésors ; la cupidité aurait suffi désormais à entretenir l’ardeur des voyages.

D’après les traditions normandes, les Dieppois auraient été alors en

  1. Winwood Reade, The Martyrdome of Man.