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l’homme et la terre. — découverte de la terre

Bientôt quatre caravelles furent lancées dans les eaux qui baignent l’archipel des Perles et, de là, cinglèrent le long des côtes : les chemins étaient ouverts au Sud vers le Pérou, au nord-ouest vers le Mexique, à l’ouest vers cette lointaine Asie que le grand Génois croyait avoir abordée. Toutefois, des navigateurs cherchaient encore ce passage maritime que l’on avait en vain essayé de trouver derrière les Antilles. En 1509, Vicente Pinzon el Diaz de Solis avaient un instant cru y pénétrer lorsqu’ils entrèrent dans la large embouchure du rio de la Plata : puis, en 1517, l’admirable navigateur qu’était Sébastien Cahot avait espéré, avec plus de raison, de voguer enfin sur la véritable route maritime de l’Asie lorsqu’il eut dépassé les côtes atlantiques du Labrador et qu’il fut entré dans un large détroit — probablement le Fox Channel — où il atteignit le 67° 30′ de latitude septentrionale : mais là, ses compagnons, effrayés par la vue des neiges, des roches arides, des glaces flottantes, le forcèrent à revenir. Il avait pourtant suivi la bonne voie. Son navire s’était engagé dans ce formidable labyrinthe de détroits qui mène à la mer de Bering et au Pacifique, et qui ne devait être découvert que 333 ans après lui par les explorateurs arctiques de la Grande-Bretagne.

C’est dire quelles avaient été l’initiative, l’audace et la science de ce marin du seizième siècle pour qu’il pût s’avancer aussi loin en des mers d’un abord aussi difficile et réaliser partiellement sa tentative. Et pourtant Sébastien Cabot resta presque ignoré de son temps : on oublia que, pour la longueur des côtes découvertes et relevées, il avait fait sien le continent septentrional du Nouveau Monde ; on ne donna pas non plus l’attention qu’elles méritaient à ses observations si importantes sur la physique du globe, car c’est à lui que l’on doit les premières connaissances sur la diramation des courants partiels de ce que l’on appelle aujourd’hui Gulfstream ou « courant Golfier » ; le premier également il reconnut les parages précis de la mer — 110 milles à l’ouest de l’Açore Flores — où, de son temps, passait le méridien de la boussole sans déclinaison[1]. On ignore même quand Sébastien Cabot mourut, dans quelque réduit de Londres, après son retour d’un voyage au rio de La Plata, sur le Paranà et au Paraguay, en 1528 : là encore il avait donné des preuves de son génie en indiquant le fleuve comme la route future des pays de l’Argent, récemment découverts dans les monts Occidentaux des Andes

  1. A. von Humboldt, Cosmos.