En mainte contrée que ne protégeait ni détroit, ni forêt, ni mont, le groupe naturellement formé des villageois ou des « paysans » gardait malgré tout son droit collectif sur le sol et s’administrait lui-même : la féodalité ne pouvait s’en emparer tout d’abord.
Cl. J. Kuhn, edit.
De même que, dans l’ancienne Gaule, le Romain avait affaire à la cité municipale revendiquant ses fors, élisant ses consuls, invoquant ses traditions de liberté, de même, dans la Germanie, le seigneur dut souvent commencer par demander appui aux gens de la glèbe avant de pouvoir les asservir. Lorsque le souverain envoyait son lieutenant à quelque village, les cultivateurs allaient au-devant de lui, tenant d’une main des fleurs, de l’autre le poignard ou le couteau, en demandant à l’ambassadeur quelle serait sa loi, celle du village ou celle du maître[1] : dans le premier cas, ils décoraient l’envoyé de leurs fleurs et l’accompagnaient au festin d’honneur avec des chants et des cris de joie : sinon, ils se rangeaient en bataille, défendant l’entrée de leurs cabanes. Même les légistes de Charlemagne avaient dû con-
- ↑ F. Dahn, Urgeschichte der germanischen und romanischen Volker, cité dans Pierre Kropotkine, L’Entr’Aide, p. 178.