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avempace et avicenne

Haï, incessamment modifié par les utopistes, qui faisaient de lui le représentant de leur caractère et le porteur de leurs idées, finît par se vulgariser fort, et sa généalogie se termine par la nombreuse famille des Robinson, qui découvrent non point une société nouvelle mais simplement les moyens pratiques de vivre en s’accommodant à leur milieu.

Cl. J. Kuhn, édit.

façade principale du chateau d’azay-le-rideau

Les utopies de la Renaissance avaient un caractère plus élevé, ainsi qu’en témoigne le sens même donné à ce mot d’ « utopie », détourné de sa signification primitive « Nulle part »[1]. Le terme devait s’appliquer désormais aux projets d’amélioration sociale, condamnés sans doute à ne point se réaliser mais inspirés par un sentiment profond de solidarité humaine : Campanella cherche à placer l’individu dans une telle situation qu’il lui est presque impossible d’être dépravé ni méchant. Toutefois, chacun a son utopie, déterminée par sa nature propre : le plus voluptueux des poètes, Torquato Tasso, dans l’Amiata, chante l’âge d’or et le libre amour suivant les rites de l’innocence naturelle. Pour la foule,

  1. Thomas Morus, De optimo reipublicæ statu, deque nova insula Utopia, p. 303.