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l’homme et la terre. — le roi soleil

par les deux circumnavigations boréales des continents, d’un côté au nord de l’Amérique, de l’autre au nord de l’Asie. Mais ni Frobisher en 1576, ni Davis en 1585, ni Hudson en 1610, ni Baffin en 1616, ne réussirent là où le grand Sébastien Cabot avait échoué, et même lorsque Baffin revint de son expédition infructueuse, il crut pouvoir prononcer une sentence définitive : « Le passage du nord-ouest n’existe point » ! Même insuccès vers l’Est ; en 1553 Willoughby ne dépassa pas l’île Kulguyev et périt en Laponie, Chancellor retrouva le chemin de la mer Blanche l’été suivant, Burrough atteignit l’île Vaïgatch en 1556, Pet et Jackman, en 1581, pénétrèrent dans la mer de Kara, le Hollandais Barents, enfin, découvrit le Spitzberg en 1584 et hiverna à la pointe nord de Novaya Zemlia ; on ne devait dépasser l’embouchure de l’Ob qu’au milieu du dix-huitième siècle.

Si les tentatives de navigation boréale, de trois siècles prématurées, devaient forcément échouer, la marine anglaise ne s’en développait pas moins et de nouveaux ports se fondaient sur le littoral pour la navigation transocéanique. Auparavant, presque tout le commerce de la Grande Bretagne était localisé dans la partie sud-orientale de l’île, c’est-à-dire au plus près des terres continentales avec lesquelles se faisaient les principaux échanges. Le nouveau mouvement de trafic avec les contrées lointaines d’outre-mer devait avoir pour résultat de déplacer l’activité commerciale vers les baies du sud-ouest et de l’ouest. Une statistique précise du milieu du quatorzième siècle permet d’apprécier le contraste saisissant qui se produisit entre les points vitaux de l’Angleterre à deux cents ans d’intervalle, du temps d’Edouard III à celui d’Elisabeth. Lorsque le premier souverain mit à contribution tous les ports du royaume pour la fourniture des navires destinés au siège de Calais, il demanda qu’on lui remit cinquante sept vaisseaux : le port de Hastings, représentait à lui seul plus du tiers du mouvement commercial du royaume, puisqu’il avait eu à livrer vingt et un bâtiments. Qu’on lui compare la modeste Liverpool d’alors, à laquelle on ne demanda qu’une barque montée par six matelots !

La situation historique, vue dans son ampleur, nous est ainsi révélée. Alors les « Cinque Ports », les cinq ports par excellence, parmi lesquels deux ou trois sont maintenant à distance de la côte et dont aucun n’a plus la moindre activité en dehors de la navigation de plaisance et de la petite pêche, Hastings. Winchelsea, Rye. Romney, Hythe, qui