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l’homme et la terre. — le roi soleil

Volkhov se trouva bloque par les cadavres. Le tsar déblaya les abords du golfe de Finlande et de la mer Baltique, mais en même temps il coupait les communications naturelles que son empire possédait déjà par l’entremise de Novgorod avec l’Europe occidentale et, dans les luttes qui s’engagèrent, Polonais et Suédois, restant les plus forts, empêchèrent les Russes de parvenir à la côte.

La fière république de Novgorod, que l’on retrouve à l’origine de toutes les grandes entreprises du monde slave oriental, avait déjà frayé ses voies de trafic, sans conquêtes mais par d’habiles alliances et par les intérêts directs de l’échange, jusqu’à la mer de Scandinavie, toujours libre de glaces, accessible en toute saison. Elle avait fondé la ville de Kola dès le commencement du onzième siècle, et construisait des embarcations de trafic et de pêche naviguant dans les fjords de la cote « mourmane » ou normande, ainsi nommée des navigateurs avec lesquels ils troquaient leurs marchandises. Même les Novgorodiens exerçaient alors un droit de suzeraineté s’étendant sur un espace plus considérable que celui dont la Russie revendique aujourd’hui la possession territoriale, puisque leur juridiction comprenait les bords du Varangerfjord, actuellement norvégien : depuis huit siècles, l’influence slave s’est donc relativement amoindrie dans ces parages. En l’année 1533, lorsque le marin anglais Chancellor se présenta dans la mer Blanche, le port de la Nouvelle Kholmogorî, où il jeta l’ancre, n’était que l’héritier de l’ancienne ville du même nom qu’avaient fondée les Biarmiens ou Permiens, alliés depuis des siècles à la grande Novgorod. C’est donc à tort que l’on attribue aux navigateurs anglais l’ouverture de l’entrée commerciale par la voie d’Arkhangelsk : ils l’utilisèrent à leur profit par un traité direct avec Ivan IV, mais elle était pratiquée depuis cinq siècles au moins.

Il en fut de même pour la prétendue découverte de la Sibérie par Yermak, cosaque fugitif dont la tête était mise à prix. Ce chef de bande qui parcourut la Sibérie en 1579, du temps d’Ivan IV, s’ouvrit par l’épée un chemin que les marchands novgorodiens et biarmiens avaient depuis des siècles pacifiquement pratiqué. Mais l’esprit des esclaves est ainsi fait qu’il ne donne point de valeur aux événements s’ils ne sont consacrés par la violence et le sang. Bien avant Yermak, les cartes de Sébastien Munster et de Herberstein figuraient les contrées de la Sibérie, c’est-à-dire du « Grand Nord », que parcouraient les marchands