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guerres de sept ans

que cherchaient à s’approprier les émigrants des diverses nations occidentales. La guerre de Sept ans se poursuivait aussi dans les Indes orientales et dans l’Amérique du Nord, des deux côtés au grand avantage de l’Angleterre, dont la puissance militaire s’appuyait sur une industrie de plus en plus active et sur un commerce extérieur toujours grandissant. Dans la lutte de navigation qui se continuait entre la Hollande et la Grande Bretagne, celle-ci remportait rapidement en dépit des avantages acquis et de la pratique coutumière que possédait sa rivale. Pendant la deuxième moitié du dix-septième siècle, période de sa grande prospérité, ce tout petit peuple batave possédait à lui seul près de la moitié du tonnage de toutes les flottes commerciales appartenant aux nations européennes, soit environ 900 000 tonnes sur 2 millions[1]. Mais la grande île disposait à la fois de ports plus nombreux et plus sûrs, d’une population plus considérable et surtout d’une industrie propre plus active, plus facile à développer et plus riche en produits variés. Au commencement du dix-huitième siècle, Daniel de Foë signale la prospérité croissante de Manchester, dont la population aurait doublé en quelques années, grâce à la fabrication des tissus[2]. Dès l’année 1585, Manchester et Bolton, sa voisine, n’avaient-elles pas été le refuge des tisseurs de coton d’Anvers, échappés aux massacres que commandait le duc d’Albe ? Pourtant, au milieu du dix-huitième siècle, l’outillage des manufactures anglaises était encore aussi rudimentaire que celui des humbles ateliers hindous : les découvertes industrielles que l’on avait déjà faites en maints endroits, en Italie, en France, en Allemagne, dans les Flandres, n’étaient point appliquées au nord du Pas-de-Calais. La grande révolution du travail qui devait se produire à la fin du siècle ne s’annonçait pas encore.

Après son grand triomphe sur Louis XIV, la politique anglaise avait été relativement pacifique, surtout sous le long ministère de Robert Walpole, cynique philosophe qui préférait mener les hommes par la corruption que les contraindre par la violence. D’ailleurs le gouvernement anglais avait alors deux grandes difficultés à vaincre : en premier lieu celle de consolider le pouvoir de la dynastie de Hanovre qui régnait sur les îles Britanniques et de sauvegarder en même temps, sans en déplacer le centre de gravité, ses intérêts sur le continent ; en second

  1. Harry Petty, Political Arithmetic.
  2. G. de Greef, Essais sur la Monnaie, le Crédit et les Banques, VIII, pp. 6 et 7.