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l’homme et la terre. — russes et asiatiques

Prométhée, cloué sur le Caucase ; mais, ils n’ont pas comme lui l’invincible confiance en l’avenir : ils savent que, si de grandes choses ne s’accomplissent avant une ou deux générations, leurs fils ou leurs petits-fils seront des Russes.

Les Haïkanes ou Arméniens n’eurent point à recevoir d’assurances directes de la part de leurs dominateurs actuels, puisqu’ils avaient déjà perdu leur indépendance
Cl. Nevinson.
potiers de gourie, au sud de batum
politique aux époques successives où ils passèrent sous le régime moscovite par l’annexion de la Géorgie et les conquêtes sur la Perse et sur la Turquie. Mais les promesses indirectes et les engagements diplomatiques ne manquèrent point. Maîtres de la métropole religieuse, Etchmiadzin, les Russes en ont fait surtout un centre administratif pour la répartition des diocèses et des paroisses, pour la nomination des prélats et de leurs subordonnés. Le but du pouvoir est d’utiliser tous les prêtres arméniens comme de simples valets d’église, chargés d’entraîner de force les Grégoriens dans le giron de l’orthodoxie. L’usage de la langue des aïeux est désormais interdit dans les écoles ; il est défendu aux Haïkanes d’apprendre leur propre histoire et la géographie de leur pays, de parler leur propre idiome en toute circonstance officielle ou devant des fonctionnaires : les oppresseurs savent bien que la langue est le véhicule de la pensée, et qu’en changeant la parole on finit par changer l’âme elle-même. Néanmoins les Arméniens, désireux de s’instruire envers et contre tous, secondent de leur mieux les