Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome VI, Librairie universelle, 1905.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

rivières, canaux et voies de fer dans la direction du bas Ohio et du Mississippi. Détroit, sur la rivière Saint-Clair, entre les deux lacs Huron et Erié, est un autre Buffalo comme lieu de passage et d’entrepôt ; conditions encore mieux remplies par la « reine de l’Ouest », la puissante Chicago dont l’ambition avouée est de devenir un jour la plus grande cité du monde et qui en est actuellement la quatrième. De tous temps, même à l’époque où les tribus indiennes parcouraient les forêts et campaient dans les prairies, l’emplacement de Chicago était un lieu de marché fort actif, comme seuil naturel entre le bassin des grands lacs et celui du Mississippi : c’est en cet endroit précis que les eaux du lac Michigan s’épanchaient vers le grand fleuve par la rivière des Illinois, et des bayous, des ruisseaux paresseux marquaient encore l’ancien lit de sortie, occupé maintenant par un canal creusé de main d’homme. Chicago n’a que peu d’égales dans le monde comme centre continental communiquant avec la mer, malgré l’énormité des distances ; il est vrai que cette communication est embarrassée d’obstacles naturels, jadis insurmontables et franchis maintenant par canaux et écluses ; des navires de mer ont mouillé dans le port de Chicago, à 2 000 kilomètres de l’issue du Saint-Laurent dans l’Atlantique. Une autre ville riveraine des Grands Lacs, Duluth, à la pointe occidentale du lac Supérieur, jouit du même avantage, toutefois, avec la diminution de valeur que doivent causer un climat plus âpre, une région moins productive et beaucoup moins populeuse. Néanmoins on peut juger du mouvement prodigieux qui se produit dans ces mers intérieures par ce fait que le va-et-vient des embarcations de toute nature passant dans les canaux de Soo — ou Sault-Sainte-Marie —, à la sortie du lac Supérieur, dépasse en tonnage celui de toute autre voie de navigation dans le monde entier.

La ligne de la Belle-Rivière, l’Ohio, qui rattache les États atlantiques à la partie centrale de la dépression mississippienne, comporte également un collier d’agglomérations urbaines. La première grande cité, Pittsburgh, que des circonstances favorables, mines de fer et de charbon, sources de gaz et de pétrole, ont singulièrement aidée dans ses progrès, occupe la situation classique de tant d’autres villes importantes, au confluent de deux rivières maîtresses dont la jonction constitue un cours d’eau facilement navigable, ce qui lui valut un rôle stratégique lorsque les Français y construisirent le fort Duquesne, au dix-huitième siècle, et lui donna