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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

contre les descendants de la race asservie : on embrasse sous un même terme méprisant tous ceux chez lesquels, jusqu’à la quatrième génération, il est possible de distinguer une trace de la filiation africaine dans les ongles et les cheveux. D’ailleurs, ce ne serait là qu’une de ces bizarreries de l’humanité primitive et barbare, si cette distinction n’entraînait pas les conséquences les plus graves. En dépit de l’émancipation, en dépit de la Constitution et des lois, la tradition poursuit le fils de l’esclave ; la mort étend son bras sur les vivants. La société esclavagiste vaincue dans les batailles, condamnée par les lois, n’a point abdiqué, et, quand même, elle se perpétue sous les formes extérieures des institutions nouvelles. L’œuvre de réaction contre le nègre émancipé se manifeste en deux tendances qui, logiquement, devraient aboutir l’une à l’asservissement, l’autre à l’extermination.

Cl. du Globus.

quelques « messieurs de couleur »
De gauche à droite, un directeur d’école, un homme politique, un évêque.

Tout d’abord, les grands propriétaires, les représentants des Compagnies minières et industrielles, les capitalistes immigrés des États du Nord cherchent à se procurer la main-d’œuvre au meilleur marché possible, c’est dire qu’ils s’évertuent à faire travailler le nègre de la contrée moyennant les simples frais de son entretien, calculés avec la plus extrême parcimonie : ce serait l’esclavage, moins l’obligation d’avoir à maintenir les enfants et les vieillards. On s’adresse donc aux complaisantes lois, et à leurs interprètes plus complaisants encore, pour trouver les formules juridiques en vertu desquelles on pourra forcer les travailleurs nègres à résider dans la plantation, dans la carrière ou dans la fabrique, et à accepter des salaires de famine ; naturellement, on