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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

avec les matières salines du sol et de l’eau, et c’est ainsi que se forme le salpêtre. Continuée pendant des siècles et des siècles, cette opération finit par transformer de vastes plaines en salpêtrières épaisses, capables d’alimenter pendant une période indéfinie les arsenaux et les usines chimiques du monde entier[1].

Jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle, la cité la plus populeuse du continent Sud-Américain fut la ville de Rio-Janeiro, qui doit son rang à l’excellence de son port, à la merveilleuse beauté des vallons qui l’entourent, à la proximité de montagnes salubres et de la riche vallée du Parahyba ; mais elle n’a pu maintenir sa prééminence, à cause du sol putride où les immigrants avaient établi leurs demeures et d’où s’échappaient fréquemment des fièvres dévoratrices. Malgré le manque d’un port, qu’il a fallu depuis creuser à grands frais, Buenos-Aires distance donc sa rivale brésilienne, grâce aux colons d’Europe qui y débarquent en foule et qui ne rencontrent aucun obstacle pour s’établir à leur gré dans la plaine ou sur les bords de l’estuaire ou des grands fleuves Uruguay ou Paranà. Mais certainement le continent du Sud ne manquera pas de présenter un jour dans le groupement de ses centres urbains une évolution analogue à celle qui s’est produite dans le continent du Nord ; à mesure que le peuplement progresse de la circonférence vers le centre et que l’équilibre de densité tend à s’établir, l’unité continentale se constitue ; elle se précisera et finira par l’emporter sur les individualités locales dont les principales relations se dirigent à l’extérieur vers le monde européen. On peut dire qu’au point de vue économique, l’Amérique du Sud est formée par la longue ligne de son pourtour, de Colon à Panama par Cartagena, Barranquilla, La-Guayra, Georgetown, Para (Belem), Pernambuco, Bahia, Rio, Santos, Montevideo, Buenos-Aires, Bahia-Blanca, Punt-Arenas, Valdivia, Valparaiso, Iquique, Callao, Guayaquil ; l’intérieur du continent Amazonien est à peine atteint, encore beaucoup moins que celui de l’Afrique. Il le sera prochainement et, de même qu’aux États-Unis on a vu Chicago, Saint-Paul ; Minneapolis, Saint-Louis, d’autres cités importantes attirer vers elles le mouvement vital qui se propage de toutes les extrémités, de même des cités surgiront dans cette région vraiment unique du continent méridional où s’entremêlent les hauts affluents du système paranien et du bassin

  1. Otto Kunge, Geogenetische Beiträge, pp. 13 et suivantes.