Mais, après tout, le but principal de l’armée n’est-il pas atteint, d’avoir sous la main des baïonnettes obéissantes en nombre illimité, moins pour les opposer à l’ennemi que pour tenir en respect un peuple toujours disposé à la critique, aux menaces, même à la révolution ? Les traditions de l’armée exigent que les chefs soient toujours des personnages décoratifs, se distinguant comme au moyen âge par l’abondance des plumes et des broderies, la violence des couleurs. En Angleterre, les généraux sont presque tous des hommes de la haute classe ayant beaucoup d’argent à dépenser en chevaux, en tournois et en festins[1].
Cl. J. Kuhn, à Paris.
En Allemagne, en Autriche, en Russie, ce sont principalement des seigneurs à blasons antiques ; en France, la plupart se disent « fils des Croisés », et combien parmi eux, pour témoigner qu’ils représentent la réaction dans son essence, se glorifient d’appartenir aux familles des émigrés qui combattirent la France pendant la première Révolution. En Suisse même, les cadres d’officiers, maintenus en permanence, constituent une véritable aristocratie militaire. Laissées à elles-mêmes, les armées ne prirent jamais parti pour la liberté d’un peuple contre des tyrans héréditaires ou usurpateurs : en toute
- ↑ H. G. Wells, Anticipations.