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l’homme et la terre. — l’industrie et le commerce

duction de la matière première, les autres par le traitement industriel de cette denrée, chaque ordre transmis par le goût ou par les besoins changeants du public se répercute de monde en monde, d’un côté jusqu’à la république Argentine, de l’autre jusqu’à l’empire du Soleil Levant et, suivant l’état des marchés et la nature des productions locales, fait surgir ou péricliter les fortunes, doubler ou réduire les salaires.

Jusqu’à une époque récente, la grande industrie était localisée en quelques pays privilégiés. Née principalement en Angleterre, quoiqu’on puisse en constater les éléments de formation dans les autres contrées de l’Europe occidentale, elle s’était d’abord développée dans le voisinage immédiat de tel ou tel grand port, qui pouvait lui livrer la matière première au meilleur marché, par exemple le coton des États-Unis ou le minerai de Suède ou d’Espagne, et à proximité d’un gisement de houille où il obtenait le combustible à bas prix et en quantité toujours suffisante. Mais le capital aux aguets pour la découverte de nouvelles sources d’enrichissement eut bientôt fait de trouver des endroits aussi favorablement situés en d’autres contrées de la terre. Aux filatures de Manchester, en Angleterre, répondirent de l’autre côté de l’Océan celles de New-Manchester, dans la Nouvelle-Angleterre ; puis, en France, celles de Rouen ; en Allemagne, les filatures de la Silésie ; et d’étape en étape, à travers le monde, celles de l’Inde, de la Chine, du Japon. Partout des voies ferrées s’établirent entre les mines de charbon, les ports et les grandes villes pour fonder les usines aux lieux d’accès les plus commodes pour le travail et la vente. Le réseau des voies de communication s’accroissant d’année en année, les conditions d’égalité entre les producteurs augmentaient en proportion dans les différents pays. Des lois de protection douanière, établies au profit des industriels, avaient pour but « patriotique » d’arrêter à la frontière les produits étrangers pour faciliter la vente des produits nationaux.

Le combustible minéral constitue un tel avantage pour l’industrie que les usines et dépendances devaient forcément, semble-t-il, se grouper autour des bassins houillers. Au début du vingtième siècle, c’est bien ainsi que s’est réparti le travail. Les cités industrielles se pressent dans le voisinage des puits de mines ; la population s’y masse en foules épaisses sur un sol noirci par les débris de charbon, sous un ciel fuligineux où l’on cherche vainement à discerner le soleil. Mais l’étude plus approfondie des forces de la nature suscite de nos jours de