Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome VI, Librairie universelle, 1905.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

du haut dédain de la plupart de ceux qui leur laissaient fouler le sol de l’île ; de même ils avaient à redouter les machinations d’une police internationale, habile à l’invention d’absurdes complots, mais ils pouvaient aussi constater parfois de fortes amitiés et, par leur seule présence, donner à la personnalité de l’Angleterre une valeur morale supérieure. C’est sur le sol britannique, et avec le concours de frères anglais, que se fondèrent les divers groupes de solidarité politique et sociale d’où sortit le mouvement décisif de l’Internationale.

Partagé désormais en deux classes hostiles comme tous les autres pays du monde à civilisation capitaliste, le Royaume-Uni n’a pas encore complètement achevé son unité politique. L’Irlande est encore réfractaire à la domination anglaise ; l’Ecosse, relativement prospère, croissant en population et en richesse, ne fait guère d’opposition qu’en paroles et n’a de patriotisme outrancier que par les souvenirs ; mais, dans le présent, il lui convient fort de se trouver à l’avant-garde pour l’initiative et l’activité dans les diverses entreprises ; même à Londres, la colonie écossaise entend bien être la première au travail comme à la réussite. Quant aux Écossais de race gaélique pure des « hautes terres » du Nord, ils ont été plus que décimés par les guerres : en premier lieu par l’extermination directe, lors des vaines tentatives que firent les Stuart pour reconquérir le trône, et, depuis cette époque, par la flatteuse et d’autant plus funeste distinction que les souverains d’Angleterre leur ont accordée, en les plaçant au premier rang pour les faire mourir à leur service. Ayant le plus beau costume militaire, les Highlanders sont tenus d’être les plus braves et le sont en effet ; la statistique des batailles établit que dans les combats ils se distinguent par la plus forte proportion des morts[1], et dans la guerre sud-africaine, à Maggers-fonteyn par exemple, cet excédent de mort violente fut encore doublé.

A l’ouest de la Grande Bretagne, la mer de Saint-Georges est plus qu’une limite naturelle, c’est bien une zone de séparation. Non seulement l’Irlande est restée une terre matériellement distincte de la grande île qui l’avoisine à l’orient, elle est encore de par la volonté de ses habitants, de par l’esprit national, rebelle à l’union politique proclamée depuis des siècles. On se hait de part et d’autre, quoique les croisements

  1. Patrick Geddes, Notes manuscrites.