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haine du juif

Le fait d’être séparés par des signes distinctifs des autres citoyens ou sujets d’un pays signale les Israélites aux haines de la foule. En effet, quoique ne possédant point de territoire en commun et ne parlant point le même langage, les Juifs constituent à certains égards une nation, puisqu’ils ont conscience d’un
Cl. Emil Schmidt.
juif noir, ouvrier à cochin, malabar
passé collectif de joies et de souffrances, le dépôt de traditions identiques ainsi que la croyance plus ou moins illusoire à une même parenté. Unis par le nom, ils se reconnaissent comme formant un seul corps, sinon national du moins religieux, au milieu des autres hommes. De la Chine à la Californie, de l’Ethiopie à l’Angleterre et au Maroc, ils pratiquent une certaine solidarité. Mais les différences sont fort grandes entre les divers centres de groupement, Pologne, Palestine, Macédoine, Hollande. Autant de pays, autant de langues diverses, et la centième partie d’entre eux au plus connaît l’idiome dans lequel sont écrits les livres sacrés. Les Juifs dépendent, suivant les contrées, des gouvernements les plus différents ; en certains pays, ils prennent part à la vie politique, ils en sont complètement exclus ailleurs ; enfin, quoi qu’on ait prétendu, ils appartiennent aux races les plus distinctes. Là où une même foi et la solidarité économique viennent à manquer, la communauté de nation cesse également. Autrefois, le prosélytisme religieux avait fait les Juifs : de nos jours l’indifférence les défait. Innombrables dans nos sociétés modernes sont ceux qui, nés Juifs, ont cessé de l’être.