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l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

ombrage sur la terre entière, cramponné dans le soldes continents et des îles. Cette union serait d’autant plus belle qu’elle succéderait à une véritable indépendance politique de chacune de ces colonies éloignées de la métropole. Quoique encore attachées de nom à la puissance qui les fonda, ni les provinces canadiennes, ni les colonies des mers australes ne sont gouvernées par le Parlement qui siège à Westminster : elles sont en réalité, malgré ce nom de colonies, des États indépendants. La munificence de l’Angleterre, laissant de bonne grâce à certaines de ses possessions l’exercice de leur autonomie, a paru l’effet d’une sagesse politique admirable ; il serait plus simple et plus vrai d’y voir un témoignage de la nécessité des choses, car le gouvernement anglais ne pourrait agir autrement avec la moindre chance de succès, il perdrait le Canada et les divers États fédérés, depuis 1901, en une « commonwealth » australienne, comme il a perdu les colonies américaines du littoral atlantique. Pour rester dans la vérité, il suffit de louer la sagesse des hommes d’Etat qui ont su se conformer tranquillement au destin. Une nation ne disposant que d’une faible armée ne peut rien contre une autre nation moralement unie et qui au privilège d’être protégée par l’énormité des distances joint celui de posséder un territoire immense, de grandes ressources locales et la conscience de sa force.

Les colonies puissantes sont donc redevables de leur indépendance à leur propre valeur morale. Elles se gouvernent elles-mêmes parce qu’elles pourraient tenir tête à des maîtres, mais elles apportent une singulière courtoisie dans leurs relations avec la nation suzeraine. Ainsi, lorsque les diverses parties du Canada se constituèrent en États, elles demandèrent gracieusement à la reine Victoria de leur indiquer l’emplacement de leur capitale, et le lieu où s’élève actuellement la cité d’Ottawa leur fut désigné par un geste royal. Cependant l’immense territoire, connu désormais par la dénomination collective de « Puissance » ou « Dominion », ne tient plus à l’Angleterre d’une façon effective que par l’hébergement de deux petites garnisons, l’une sur le rivage oriental, à Halifax, l’autre sur la côte du Pacifique, à Esquimault ; en outre, un personnage décoratif représente Sa Majesté le souverain auprès du Parlement. En Australie, dans la Nouvelle-Zélande, colonies presque complètement britanniques par l’origine de leur population, l’union sympathique avec la mère patrie est beaucoup plus cordiale qu’au Canada, où le voisinage des États-Unis crée une situation toute