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l’homme et la terre. — la religion et la science

ne rend point la jeunesse et la sincérité au mouvement initial. La religion peut continuer à s’épandre, mais qu’importe si les sources ne versent plus l’eau sainte d’autrefois, si, malgré les traditions et les encycliques, l’Eglise cherche à se réconcilier avec les aspirations du siècle, et, cessant de s’appuyer sur les vérités éternelles, tente de s’accommoder à des choses périssables ?

Le domaine du christianisme semble donc limité désormais. Naturellement, il s’est accru des populations engendrées par des esclaves. Les noirs des Etats-Unis professent les divers cultes chrétiens qui leur furent imposés par les maîtres. Il en est de même dans les Antilles et au Brésil, ainsi que dans la région des Andes, où les aborigènes sédentaires furent également convertis de force : « Le crucifix ou la mort ». Mais dans les contrées où les Européens ne disposent pas de la liberté et de la vie des naturels, ceux-ci continuent de garder comme un trésor leurs superstitions intimes auxquelles se mêlent naturellement toutes les impressions nouvelles qui leur viennent de leurs relations avec l’étranger. Ne deviennent guère chrétiens avoués que les parasites trouvant leur intérêt à flatter les nouveau-venus, à vivre des miettes qui tombent de la table de leurs festins. Une tourbe assez méprisée se forme ainsi en Chine, dans les Indes, en Afrique, autour des églises et des chapelles, tandis que la masse ambiante des nations poursuit son évolution normale sous l’influence des immigrants de race européenne.

C’est une affirmation très fréquemment répétée, comme la consécration d’un fait indiscutable que l’Islam poursuit très rapidement ses conquêtes en Afrique et en Asie, mais cette affirmation courante n’a qu’une réalité extérieure, pour ainsi dire.

Les Fulbe, les Mandingue, les Haoussa, qui sont les principales nations musulmanes de l’Afrique, ont non seulement la conscience de leur supériorité sur les tribus nègres dispersées, mais elles possèdent surtout une plus grande force d’expansion qui leur est donnée par l’amour du commerce, et même, dans une certaine mesure, par le désir de propager leur foi et d’enseigner leur savoir. Ils ont l’avantage capital de se présenter avec le sentiment de la solidarité islamique au milieu de peuples sans cohésion. C’est donc à eux qu’appartient la force d’attaque, et le nègre qui se convertit à l’Islam croit s’élever d’un degré parmi les hommes. D’autre part, les blancs devenus les possesseurs des territoires africains attirent volontiers les commerçants sans demander